La Turquie dénonce auprès de l’OMC les mesures anti-dumping marocaines pour protéger la production nationale d’acier.
Maghreb Steel en mauvaise passe
Depuis trois ans, le sidérurgiste marocain pâtit d’une mauvaise situation financière. Le groupe de Fadel Sekkat a tiré la sonnette d’alarme au milieu de l’année 2012, avouant pour la première fois, dans un communiqué de presse, sa déconvenue. En cause : la baisse de la demande mondiale d’acier, et donc la chute de son prix.
Les mesures prises par le Maroc
Le ministère chargé du commerce extérieur a donc décidé, à la demande de Maghreb Steel, d’imposer pendant cinq ans des taxes sur les tôles d’acier laminées importées d’Union européenne et de Turquie, concurrentes directes du sidérurgiste marocain.
La justification des mesures
Le ministère chargé du commerce extérieur, dans son avis en date d’août 2014, explique qu’il a réussi à établir un lien de causalité entre les « dumpings » européen et turc et l’incapacité de l’industrie nationale à écouler sa production. L’administration estime qu’on peut parler de « dumping » parce que les sidérurgistes étrangers vendent leurs produits au Maroc à un prix inférieur à celui qu’ils pratiquent normalement sur leur propre marché intérieur.
Le Maroc dans son bon droit ?
L’OMC n’estime pas que le » dumping » est déloyal, elle ne se prononce pas. L’Accord anti-dumping de l’OMC permet aux gouvernements d’intervenir contre le dumping lorsqu’il existe un dommage véritable (« important ») causé à la branche de production nationale concurrente. Pour cela, le gouvernement concerné doit pouvoir démontrer qu’un dumping a lieu, calculer l’ampleur du dumping (dans quelle mesure le prix à l’exportation est inférieur au prix pratiqué sur le marché intérieur de l’exportateur), et démontrer que le dumping cause ou menace de causer un dommage. Les méthodes de calcul sont définies dans l’accord.
La plainte de la Turquie
La Turquie reproche le fonds et la forme de la mesure prise par le Maroc. D’après le communiqué de l’OMC qui fait référence à la dénonciation turque en date du 3 octobre (qui n’est pas une plainte mais une demande de consultation), celle-ci reproche notamment au Maroc de prétendre que les exportateurs turcs n’ont pas déclaré toutes leurs ventes au Maroc sans avoir entendu leurs explications. La partie turque estime que le Maroc n’a pas non plus suffisamment prouvé le lien de causalité entre le « dumping » turc et la mauvaise situation du producteur marocain.
Pourquoi maintenant ?
Le timing de cette procédure turque peut surprendre étant donné que la mesure de protection marocaine a été décidée il y a deux ans. D’après une source à Maghreb Steel, la Turquie, qui mobilise beaucoup de moyens humains pour la protection de son marché et les plaintes déposées contre les concurrents, « traitait deux autres procédures internationales menées par les USA contre elle. Il s’agit d’une mesure anti-dumping et une enquête anti-subvention. Les Etats unis ont bien eu gain de cause, récemment ». Cette source, bien sûr, justifie la mesure marocaine en expliquant, entre autres, qu’elle ne fait que « rééquilibrer le marché » : « On a importé 3 000 tonnes d’importations, sur un marché de 500 000 tonnes. On n’est pas totalement hermétique », assure-t-il.