Le Rwanda a inauguré lundi une centrale électrique au méthane sur le lac Kivu (ouest), une installation unique au monde qui transforme une menace mortelle en source d'énergie et doit à terme augmenter de plus de 60% la capacité de production d'électricité du pays.
Située à Kibuye, près de la frontière avec la République démocratique du Congo, cette centrale électrique construite par la société américaine ContourGlobal, qui opère également la centrale thermique de Lomé au Togo, produit depuis fin décembre 26 mégawatts d'électricité s'ajoutant à la capacité de production de 160 MW dont disposait déjà le Rwanda.
Le système d'extraction est réalisé grâce à une plateforme flottant sur le lac à 13 km de la rive et pompant à plus de 300 mètres de profondeur de l'eau à forte concentration en gaz méthane et en dioxyde de carbone. Le méthane est séparé de l'eau et du CO2, et est acheminé sur la terre ferme via un pipeline sous-marin, tandis que le CO2 est réinjecté dans le lac.
La centrale et cette plateforme représentent un investissement d'environ 200 millions de dollars issus de capitaux privés mais aussi de prêts d'institutions internationales d'aide publique au développement, dont la Banque africaine de développement (BAD).
ContourGlobal prévoit de construire deux ou trois autres plateformes d'ici 2018 ou 2019, afin d'augmenter la capacité de KivuWatt à environ 100 MW.
Outre la manne économique représentée par cette extraction, le pompage du méthane permet aussi sur le long terme à stabiliser le lac Kivu en le dégazant, assurent ContourGlobal et le gouvernement rwandais.
Avec ceux de Nyos et de Monoun au Cameroun, le lac Kivu est en effet l'un des trois lacs au monde renfermant de très fortes concentrations de gaz mortels s'ils sont inhalés en grande quantité, dont le CO2 et le méthane.
En 1986, du CO2 brutalement libéré par le lac Nyos avait tué par asphyxie plus de 1.700 habitants. Deux ans auparavant, un phénomène semblable avait tué 37 personnes autour du lac Momoun.
Une telle catastrophe sur le lac Kivu, loin d'être hypothétique vu la forte présence de méthane et la proximité du volcan Nyiragongo, un des plus actifs de la région, pourrait tuer jusqu'à 2 millions de riverains rwandais et congolais.
Si la concentration en gaz devient trop forte, ou si le lac est déstabilisé par l'un des fréquents tremblements de terre dans la région, le gaz peut être libéré, ce qui menace les gens vivant dans les environs, a détaillé ContourGlobal dans un communiqué.