Le PIB augmenterait de 1,5% en 2016 et de 3,5% en 2017. Ahmed Lahlimi appelle à un modèle économique axé sur l’industrialisation et où l’Etat investirait dans les secteurs productifs dont il s’est depuis longtemps retiré.
La formule paraît tout à fait adaptée pour caractériser la situation économique actuelle du Maroc, celle d’«un équilibre économique bas» dans lequel, selon Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au Plan, se trouve le Maroc depuis quelques années. Au cours de la présentation, mardi 11 juillet 2016, de son Budget économique exploratoire 2017, et dans lequel il affine ses estimations pour l’exercice 2016, le patron du HCP a utilisé cette formule pour dire que si les équilibres macroéconomiques sont désormais rétablis, la croissance économique, elle, évolue à un rythme lent, voire faible, se situant dans une fourchette de 1% à 3%. «Avec de tels niveaux de croissance, notre pays doit être interpelé sur la soutenabilité de cet équilibre bas», analyse M. Lahlimi.
En moyenne, le PIB a en effet augmenté de 3% par an entre 2010 et 2016 au lieu de 4,5% par an durant la décennie 2000. Pour 2016, et compte tenu des données disponibles sur la première moitié de l’exercice, la croissance économique s’établirait à 1,5% sur l’ensemble de l’année, au lieu de 1,3% annoncé en janvier dernier. En 2017, et sur la base d’une campagne céréalière moyenne et d’une reconduction de la politique budgétaire de 2016, le PIB devrait progresser de 3,5% (cette prévision devant être révisée en janvier 2017 à la lumière des dispositions de la Loi de finances qui sera votée d’ici là). Globalement, la situation économique en 2016 se caractérise, selon le HCP, par une baisse de la valeur ajoutée agricole de 11% (-9,7% pour l’ensemble du secteur primaire) et une augmentation modérée de celle des activités non agricoles (+2,3% au lieu de +1,8% en 2015). La forte régression de la valeur ajoutée agricole est attribuable principalement à la baisse du volume de la production céréalière durant la campagne 2015/2016, totalisant 33,5 millions de quintaux au lieu de 115 millions de quintaux au cours de la campagne précédente. Quant aux activités non agricoles, la modicité de leur croissance résulterait d’une augmentation de celles relevant du secteur secondaire de 3,3% (contre 2,8% en 2015) et de celles du tertiaire de 1,9% (au lieu de 1,2% un an auparavant).
Un réajustement résolu du modèle économique est indispensable
Au total, la valeur ajoutée globale en 2016 serait de 0,6% au lieu de 3,1% en 2015 et de 1,9% en 2014. Peu de gens y font attention, en réalité la croissance des activités économiques, c’est bien celle-là. Et si la croissance du PIB est estimée à 1,5%, c’est en raison de l’augmentation des impôts sur les produits nets des subventions de 8,1% ; le bon comportement des impôts étant liés à la baisse des subventions, suite à la réforme de la compensation.
Bien que la corrélation entre les deux variables demeure encore faible, la timide progression de la valeur ajoutée globale (0,6% donc) apparaît dans le niveau des créations d’emplois en 2016, jugé insuffisant par le HCP. En se basant sur l’hypothèse que le taux d’activité n’accuserait qu’une baisse légère, le taux de chômage se situerait alors à 9,9% au lieu de 9,7% en 2015. Si cette baisse du taux d’activité venait à s’atténuer, dira en substance le Haut commissaire au Plan, le taux de chômage se modifierait de «façon inquiétante». Il faut rappeler à cet égard que le taux d’activité au Maroc ne cesse de baisser depuis au moins une quinzaine d’années : il passe de 54,5% en 1999 à 47,4% en 2015 (dans les pays développés le taux d’activité atteint jusqu’à 80%). Au Maroc, ce qui tire vers le bas le taux d’activité global, c’est la faiblesse des taux d’activité des femmes (25% environ) et des jeunes de 15 ans à 21 ans (30%). Autrement dit, il suffirait que les taux d’activité de ces deux catégories de populations stagnent ou augmentent pour que, illico, le taux de chômage explose. C’est sans doute le sens de l’observation du Haut commissaire au Plan.
Pour 2017, la situation, telle que prévue par le HCP, devrait toutefois s’améliorer, mais cette amélioration proviendrait grosso modo du retournement complet de la situation du secteur primaire (agricole principalement) dont la valeur ajoutée passerait du négatif (-9,7% en 2016) au positif (+7,2%); et si les rendements venaient à être supérieurs à la moyenne prévue, la valeur ajoutée pourrait être encore plus élevée. Mis à part le secteur primaire, les activités non agricoles, prises dans leur ensemble, évolueraient faiblement : +2,6% au lieu de 2,3% en 2016. Et cette amélioration serait surtout le fait des activités du secteur secondaire (+3,5% au lieu de 3,3% en 2016), alors que celles du tertiaire augmenteraient de 2,1% au lieu de 1,9% un an auparavant. Grâce à une hausse des impôts sur les produits nets des subventions de 5%, le PIB global progresserait de 3,5%.
Face à cette croissance économique qui se situe dans «un équilibre bas», M. Lahlimi appelle à «un réajustement résolu» du modèle économique «dans le cadre d’une nouvelle ère de croissance axée sur l’industrialisation et où l’Etat se décide, au-delà des infrastructures, à investir dans les secteurs productifs, dont il s’est depuis longtemps retiré par alignement sur un principe aujourd’hui contesté même par les institutions internationales qui en ont été pendant longtemps les chantres». Empruntant au défunt Michel Rocard sa formule exquise («l’harmonie des facteurs») prononcée lors d’une rencontre internationale du HCP à Paris, Lahlimi estime que ce modèle de croissance, pour réussir, devrait être réalisé dans une «harmonie des facteurs, des secteurs et des acteurs».