C’est depuis 1982 le rendez- vous obligé des amateurs du cinéma marocain. Le Festival national du film (FNF), puisque c’est de lui qu’il s’agit, tient sa 18ème édition du 3 au 11 mars 2017. Et cette fois encore, il devrait y avoir de toutes les couleurs. “Les films qui seront projetés reflètent exactement l’état actuel du cinéma marocain, nous déclare le critique Khalil Damoun, qui fait partie du comité de sélection du festival. Il y a des hauts et des bas.”
Au total, quinze films ont été sélectionnés. Parmi eux, deux documentaires. La plupart des importants cinéastes marocains du moment seront représentés. On peut notamment penser à Hicham Lasri (Headbang Lullaby), Ahmed El Maânouni (La Main de Fadma), Hamid Bénani (La Nuit ardente) et Hakim Belabbès (Pluie de sueur). Les jeunes réalisateurs auront également voix au chapitre. Parmi les noms à retenir, Ahmed Baidou (Addour), Raouf Sebbahi (Hayat), Khaoula Assebab Benomar (Le Clair obscur) et Tarik El Idrissi (Le Voyage de Khadija).
Le jury du festival promet d’être impartial. “Nous essayerons de faire honnêtement notre travail, avec l’esprit ouvert et sans parti-pris,” assure l’écrivain et poète Fouad Laroui, qui préside cette année 2017 ledit jury (lire par ailleurs).
Le FNF est à chaque fois l’occasion de dresser le bilan annuel du cinéma marocain. Assurément, ces dernières années, il a connu un grand développement. Les cinéastes marocains n’ont jamais disposé d’autant de moyens. Le ministère de la Communication et plus spécialement le Centre cinématographique marocain (CCM) n’hésitent pas à mettre la main à la poche. Régulièrement, on retrouve désormais les productions nationales dans les plus grands festivals.
La qualité ne serait toutefois pas toujours au rendez-vous. “En tant que critiques, on n’est pas tout à fait satisfaits de la qualité des films nationaux au niveau de l’écriture et surtout au niveau des scénarios et de la direction des acteurs, regrette M. Damoun. Il y a un manque d’imagination au niveau des sujets traités et des dialogues. Là je parle des films qui sont réalisés par les cinéastes qui prétendent appartenir au cinéma d’auteur.” Par ailleurs se pose la question de la fréquentation des salles. Rares sont les films à attirer les foules. En mars 2016, le CCM avait révélé que les salles du pays avaient ensemble réuni quelque 1,8 million de spectateurs. C’est environ 3 fois moins qu’au début des années 2010. Les unes après les autres, les salles mettent la clé sous la porte. On n’en dénombre plus que 31. La plupart se concentrent dans les grandes villes. A elle seule, Casablanca en compte plus du quart.
Le public dans le viseur
Ouarzazate, que d’aucuns cataloguent pourtant de capitale du cinéma marocain en raison de la présence localement de nombreux studios internationaux, n’en possède même pas un seul. “La question du piratage a sans doute grandement joué dans la baisse des entrées puisque maintenant vous pouvez même gratuitement, en cliquant sur un simple lien, télécharger des films qui parfois ne sont même pas encore officiellement sortis, analyse M. Mehdi Azdem, président de l’association Racines, qui avait publié en novembre 2016 une étude sur la fréquentation des cinémas nationaux. Cependant c’est un phénomène universel, et dans beaucoup de pays, même très pauvres à l’instar du Nigéria, les salles ne désemplissent pas. Il ne faut à mon avis plus uniquement viser les festivals. C’est gratifiant certes pour un réalisateur d’obtenir un oscar, mais le public doit au bout du compte rester dans son viseur.”
Ces dernières années, l’Etat a inauguré de nombreux établissements pour former aux métiers du cinéma. Dans la capitale, Rabat, ouvrait ses portes en 2013 l’ISMAC. Cet institut supérieur est le premier du genre au Maroc. Toutefois d’après les professionnels, il faudrait penser à former davantage de réalisateurs que de techniciens. “Nous attendons toujours après plus de 60 ans d’existence notre chef d’oeuvre marocain qu’on peut classer parmi les grands films du monde,” résume M. Damoun.